lundi 17 novembre 2014

Adeline, animatrice d'ateliers de parentalité positive Faber et Mazlich

Les parents d'aujourd'hui tendent de plus en plus vers une nouvelle forme de parentalité, plus à l'écoute de leur enfant, plus respectueuse, sans toutefois voir sa progéniture se transformer en tyran domestique.Hebergeur d'imageSi la prise de conscience d'une volonté d'une "autre" parentalité est déjà un grand effort en soi, les ateliers de parents sont un soutien indéniable pour avancer dans ce cheminement parfois semé d'embûches. 
Des livres accessibles au grand public existent, comme ceux de Isabelle Fillozat ou des revues telles que Peps (j'ai parlé ici des Peps' café, dont la démarche se rapproche un peu de tels ateliers), ou les livres d'Adele Faber et Elaine Mazlich, qui s'adressent autant aux parents, qu'aux enseignants ou aux éducateurs. 
Au Mans, de tels ateliers se sont montés très récemment, dont ceux que dirige Adeline, qui répond ici à mes questions:






Mamomans: Peux-tu présenter ce que sont les ateliers Faber et Mazlich en quelques mots?

  Adeline: Les ateliers « parler pour que les enfants écoutent et écouter pour que les enfants parlent » que j’anime sont basés sur un livre du même nom écrit par Adèle Faber et Elaine Mazlish. Cet ouvrage s’inspire directement du travail d’un psychologue américain, Haim Ginott inscrit dans le courant de la psychologie humaniste.
Ces Ateliers se présentent sous la forme d’un cycle de 7 séances de 2H30 où se réunit un groupe de parents (ou non !). On se retrouve environ une fois par quinzaine.
Ces temps de rencontre ont pour objectif de développer ce que les auteures appellent « des habiletés ». En réalité, il s’agit de techniques de communication qui visent à améliorer les relations avec nos enfants et apprendre à communiquer autrement.
6 thématiques sont abordées sur 6 séances
1- L’accueil des émotions ou comment aider les enfants aux prises avec des sentiments pénibles.
2-     Susciter la coopération chez les enfants
3-     Comment éviter la punition
4-     Encourager l’autonomie
Hebergeur d'image
Adèle Faber et Elaine Mazlich
5-     Compliments et Estime de Soi
6-     Aider les enfants à cesser de jouer des rôles ou comment se débarrasser des étiquettes
La dernière séance est dédiée aux révisions, et au  bilan.

         Chaque séance se structure de la même manière. La première étape est la prise de conscience de nos habitudes, de l’impact que peuvent avoir nos paroles, nos attitudes sur la relation avec nos enfants.
 Dans la seconde phase, on découvre les habiletés via des Bandes dessinées qui n’ont pour vocation que d’être illustratives et de bien faire comprendre les habiletés.
 Enfin, on explore, on s’entraîne, on s’essaye à ces nouvelles habiletés par le biais d’exercices, de jeux de rôles.
 Chaque séance débute par le retour de ce qui s’est vécu à la maison, on débriefe tranquillement, chacun(e) exprime au groupe ses réussites et « ses ratés », c’est un moment très important car après tout, c’est à la maison que tout se joue.


M: A qui s'adressent ces ateliers ?

A: Ces ateliers s’adressent évidemment aux parents… Mais pas que … Ils s’adressent à tous les adultes qui sont amenés à croiser le chemin d’enfants ! (Sur chaque cycle des personnes n’ayant pas  forcément d’enfants mais dont l’univers professionnel est tourné vers eux, participent aux ateliers : personnes travaillant en crèches, dans le monde de l’enseignement, puéricultrice, assistante maternelle, animateur…)

M: Qu'est-ce qui t'a menée vers l'animation de ces ateliers?

A:  Le point de départ est sans aucun doute la naissance de mon premier enfant. Avec un Master II de Sciences de l’Education en poche, une longue expérience dans le domaine de l’animation, et même une expérience d’instit’ avec des élèves de maternelle à l'étranger, je pensais que mon rôle de maman ne serait pas trop dur à endosser, vous imaginez donc quelle a été ma surprise ! J’ai eu besoin de me nourrir et certainement de me rassurer via des lectures. J’ai ouvert la porte d'un univers qui m’a réellement passionnée. J’ai été remué par les livres d’Isabelle Filliozat, Catherine Dumonteil Kremer, Olivier Maurel, Aletha Solter, Alice Miller, … et les livres d’Adèle Faber et d’Elaine Mazlish. Ce qui est vraiment très intéressant avec ces deux derniers ouvrages c’est qu’ils proposent des outils ludiques, simples à mettre en œuvre, que je trouve « efficaces » alors qu’ils reposent sur des concepts qui sont finalement assez complexes. C’est pour moi, un fabuleux moyen de vulgariser la bienveillance et la communication non violente entre les gens.
Hebergeur d'image J’ai eu l’envie de partager tout cela avec d’autres personnes. Je me suis donc formée en Août 2012 avec l’organisme « l’atelier des parents » pour être en capacité d’animer ces ateliers. Je rajoute juste que mon rôle est bien celui d’animateur et non de formateur. En effet, je suis au même titre que les autres parents, en route sur mon chemin de parent, je ne suis pas une maman experte ! Comme je le dis aux groupes que j’anime, « parfois, souvent, c’est pas Faber et Mazlish à la maison ». Je connais bien la méthode théoriquement, je manipule bien les concepts ad hoc, c’est autre chose quand il s’agit de la vivre avec mes enfants en chair et en os. L’idée c'est bien de se mettre en route ensemble.


M: D'où vient selon toi l'engouement actuel pour ces ateliers de parentalité?

     A: C’est vrai que l’on sent les gens de plus en plus mobilisés autour des questions de bienveillance et dans l’envie de s’interroger sur la place de l’enfant, tant mieux ! Les découvertes de la science et notamment des neuro-sciences en matière de développement de l’enfant et de l’adolescent ne nous laissent plus le choix ! Il faut revisiter, dépoussiérer notre approche de la puériculture et de notre relation à l’enfant/l’adolescent. Pour moi, les ateliers de parents participent à cela. C’est aussi un moyen pour les parents de rompre l’isolement et les tabous, deux fléaux de notre société. Non, ce n’est pas évident d’être parent, non ce n’est pas que du bonheur et oui il est possible de faire autrement sans pour autant s’oublier soi-même ou bien encore  faire de nos enfants des petits monstres, soi-disant « pourris gâtés » ! Dans un univers médiatique où sont brandis les spectres de « l’enfant-roi », du « parent-parfait », difficile de composer son rôle de parent en toute liberté et en accord avec soi-même. Difficile aussi de ne pas se mettre la pression et de ne pas culpabiliser !
Les ateliers répondent tout simplement à ces besoins fondamentaux d’être ensemble, d’échanger et de partager.
    L’écueil dans lequel pourrait tomber le courant nommé « parentalité positive » est de nous nourrir cette course à la compétence parentale. Je pense qu’avant de développer la compétence parentale et ainsi, contribuer au culte de la performance dans laquelle notre société actuelle est largement ancrée, j’accentue énormément l’idée maîtresse défendue par les auteures autour de l’estime de Soi. C’est pour moi l’essentiel, tant pour les enfants que pour les parents. Mon engagement professionnel via mon activité principale enracinée dans l’Education Populaire nourrit ma réflexion et ma vision, certainement personnelle de ces ateliers. Les parents ont, en premier lieu, besoin de se sentir en confiance dans leur pratique, d’avoir une bonne estime d’eux-mêmes, les ateliers peuvent y contribuer car ils représentent un véritable espace de paroles.
 Il s’agit plus pour moi d’ateliers d’écoute, de soutien à la parentalité que le développement de « compétences parentales ». En tous les cas, c’est le sens que j’essaie de donner aux ateliers que j’anime.


M: Quels seraient les conseils les plus précieux de Faber et Mazlich selon toi?

A: Chaque habileté (Trente sont proposées) ne sera pas reçue de la même façon par chacun des participants. Chacun aura ses « habiletés préférées » et si l’une utilisée se montrera très efficace avec certains enfants, elles le seront beaucoup moins pour d’autres. A chacun de s’essayer.
  Pour ma part, beaucoup d'habiletés me sont utiles au quotidien. Mais au-delà des habiletés, trois idées phares m’ont particulièrement aidée.
   La première émane du premier chapitre du livre, concernant l’accueil des émotions. Il a agi comme un déclic. L’idée principale est l’importance d’écouter et d’accueillir les émotions ressenties pour les enfants (et notamment les sentiments négatifs tels que la colère, la tristesse, la frustration). Ici, il ne s'agit pas de comprendre, d’accepter, d’analyser ou bien encore de juger les émotions ressenties par les enfants, mais bien d’écouter, juste d’écouter. Les enfants n’ont pas besoin que l’on soit d’accord avec ce qu’ils ressentent mais ont besoin d’être entendus et par là-même écoutés et respectés en tant qu’être humain, nous plaçant dans une relation d’égale à égale en terme d’humanité. Pour moi, ça a eu l’effet d’une bombe, je n’avais plus à trouver la stratégie adéquate ou bien encore la raison qui avait provoqué « la crise », ou la souffrance mais écouté sa manifestation via les habiletés proposées. L'un des adages sur lesquels repose ce premier chapitre est « tous les sentiments sont légitimes, tous les comportements ne sont pas acceptables ». Les auteures l’illustrent avec un exemple concret « je vois combien tu es fâché contre ton frère, dis-le lui avec des mots pas avec tes poings ». Ainsi, on ne remet pas en question ce qui est ressenti par l’enfant, on peut lui demander néanmoins de modifier le comportement qui va avec.
Hebergeur d'image
  Deuxièmement, l’un des postulats qui traverse le livre est que la bienveillance commence par soi-même. Difficile d’enseigner à un enfant que l’on a le droit de se tromper, que l’erreur est source d’apprentissage si l’on montre dans le miroir un parent qui ne se pardonne pas ses propres erreurs. La bienveillance ici repose aussi sur la sincérité et l'authenticité de nos émotions et de leur expression, qui nous permettent, je trouve, d'être nous-même. Beaucoup d'habiletés se basent sur cette sincérité et authenticité de l'adulte sans lesquelles « ça sonne faux ». Beaucoup d'habiletés également nous encouragent à exprimer notre ressenti. On ne triche pas plus avec nos émotions qu'avec celles de nos enfants. L'idée c'est bien que l'erreur fait partie du processus dans une relation sincère et authentique, tous les ingrédients, à mon avis, pour tordre le cou au mythe du « parent-parfait ».
         Enfin, et là encore, il s’agit d’une idée qui traverse l’ensemble des ouvrages d’Elaine Faber et Adèle Mazlish est de réfléchir à la cohérence entre les moyens de communication que l’on emploie avec nos enfants et les objectifs que l’on se donne en terme d’éducation. Le passage du livre parle de lui-même :
« Il me semble clair que notre but principal est de trouver des façons d’aider nos enfants à être humains et forts. A quoi cela nous avancerait-il d’avoir éduqué un jeune enfant à être soigné, poli et charmant s’il est incapable de réagir devant la souffrance des autres ? Qu’a-t-on accompli si on a élevé un enfant brillant, un premier de la classe, qui utilise son intelligence pour manipuler les autres ? Et voulons nous des enfants tellement adaptés qu’ils sont d’accord avec une situation injuste ?
Comprenez moi bien : je ne m’oppose pas à ce qu’un enfant soit  poli, soigné et instruit. La question cruciale est pour moi la suivante : Quelles méthodes a-t-on utilisé pour parvenir à ces fins ? S’il s’agit d’insultes, d’attaques ou de menaces alors on peut être certain qu’on a aussi enseigné à cet enfant à insulter, attaquer, menacer et plier sous la menace.
Si d’un autre côté, on utilise des méthodes qui sont humanisantes alors on enseigne quelque chose de beaucoup plus important qu’une série de vertus isolées.
On montre à l’enfant comment être une personne, un être humain qui peut conduire sa vie avec force et dignité. »
Haim Ginott, cité par Adèle Faber et Elaine Mazlish, dans  « Parents Epanouis, Enfants Epanouis »



Merci à Adeline pour ses réponses, que j'ai trouvées passionnantes!


Renseignements:

Nous sommes deux animatrices (à ma connaissance) dans la Sarthe

Adeline rousseau
06 77 11 41 55
à Parigné L’Evêque
90€ et 12€ de cahier pédagogique 


et Marie-Christine Loiseau
Le Mans